Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 18 : L’organisation de l’impunité
(Yahia
Assam)
Dossier
complet (pdf)
L’impunité des auteurs de crimes commis par les forces de
sécurité s’inscrit en Algérie dans une sinistre
tradition qui remonte à la guerre de libération (lors de
laquelle de nombreux dirigeants ont été assassinés
par certains de leurs pairs). Depuis l’Indépendance, la toute-puissante
Sécurité militaire (SM), la police politique du régime
(devenue Département du renseignement et de la sécurité,
DRS, en 1990), constitue le bras armé clandestin du régime.
Ses hommes ont multiplié impunément les actions illégales,
de la liquidation d’opposants au quadrillage de la population et
aux opérations de manipulation et de désinformation.
Si le DRS est toujours formellement dépendant de l’armée,
la situation qu’il occupe au centre des opérations antiterroristes
et de propagande, depuis 1992, a permis à ses chefs d’étendre
leur champ de contrôle sur toutes les institutions de l’État
et sur la plupart des organisations de la société civile
et des partis politiques. Ainsi, le « mythe », savamment
entretenu, de la « SM » comme structure « puissante
et intouchable » est
aujourd’hui plus que jamais réel et ancré dans toutes
les institutions de l’État, dans la conscience collective
de la société et dans les pratiques des forces de sécurité.
Depuis 1992, le DRS a organisé autour de lui toutes les forces de
sécurité régulières, dans un cloisonnement
total entre les services et une opacité soigneusement organisée
(voir Dossier n° 16). Il a infiltré des groupes islamistes pour
mieux les contrôler (voir Dossier n° 19) et développé une
stratégie de répression autorisant à ses agents toutes
les exactions, y compris la création d’escadrons de la mort.
Les services du DRS ont été ainsi la cheville ou-vrière
de l’organisation de l’impunité durant cette décennie.
D’un côté, les agents des forces de sécurité reçoivent
de leurs supérieurs hiérarchiques carte blanche pour lutter
contre le terrorisme par tous les moyens (torture, exécutions
extrajudiciaires, disparitions forcées, etc.) et, de l’autre,
les agents du DRS s’attèlent à contrôler le
système
judiciaire pour en faire un instrument de répression, mais aussi
pour garantir l’impunité pour ses agents : mise en place
des lois antisubversives, mise au pas des avocats de la défense,
changement de statut des magistrats et instrumentalisation de la justice.
Cette politique d’éradication et du « tout-sécuritaire » a
visé à réduire toute opposition, en premier lieu celle
des islamistes, par la répression aveugle et l’emprisonnement,
réussissant à les affaiblir jusqu’à négocier
avec les groupes armés la reddition, le ralliement et même
l’impunité de leurs membres.
À
ce jour, la vérité n’a pas été établie
sur les atteintes graves aux droits de l’homme commises en Algérie
depuis 1992, qu’elles aient été perpétrées
par les forces de sécurité, les milices armées par
l’État ou les groupes armés islamistes. Plusieurs ONG
de défense des droits de l’homme ont déploré à maintes
reprises le fait que les membres de ces forces n’aient pas à rendre
compte de leurs actes et bénéficient largement de l’impunité.
Malgré l’identification, dans plusieurs cas, des auteurs de
ces crimes, les gouvernements successifs ont refusé qu’ils
soient jugés et, plus généralement, de prendre les
mesures nécessaires pour que des enquêtes approfondies, indépendantes
et impartiales soient conduites.
Non seulement l’impunité généralisée
a permis à nombre de responsables de l’appareil répressif,
coupables de crimes contre l’humanité, d’échapper à la
justice, mais en plus, la plupart d’entre eux occupent aujourd’hui
des postes de responsabilité parmi les plus importants du pays.
TPP - Algérie
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