Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 12 :
Islam et politique : l’instrumentalisation
de l’Islam par le pouvoir et l’émergence d’une
opposition islamiste
(Lahouari
Addi)
Dossier
complet (pdf,
1,5 MB)
Ce dossier est composé d’extraits de l’ouvrage de
Lahouari Addi, L’Algérie et la démocratie (La Découverte,
1994).
Dans une assez large mesure, le Front islamique du salut (FIS), né au
printemps 1989 après l’adoption de la Constitution instaurant
le multipartisme, peut être considéré comme l’héritier
direct du populisme du FLN : comme lui, le FIS considère le peuple
comme une entité politique homogène, qui ne devra donc avoir
qu’un seul parti pour le représenter et le diriger. Et comme
le populisme sécularisé du FLN, le populisme religieux du
FIS, né de l’échec consommé du projet de développement
mis en place depuis l’indépendance, tourne le dos à la
démocratie.
Dans les deux cas, l’idéologie populiste réduit le
contrôle du pouvoir et exacerbe le volontarisme, sans étude
de la réalité (le discours économique du FIS est
ainsi truffé de généralités et d’intentions
généreuses dont il ne se soucie guère de savoir
comment les mettre pratiquement en œuvre). Les différences
viennent essentiellement des références insistantes du
FIS à la
religion (ainsi le FIS s’est-il opposé au travail des
femmes, proposant de verser une indemnité en espèces à toutes
les femmes au foyer). Sur ce terrain, le FIS a paradoxalement bénéficié de
l’instrumentalisation de l’islam comme outil de légitimation
du pouvoir depuis 1962 : derrière l’idéologie socialiste,
celui-ci a installé l’islam comme religion d’État
(jusqu’à l’adoption d’un code de la famille
rétrograde
en 1984), concept pour la défense duquel l’opposition
islamiste, à la
fin des années 1980, apparaîtra, aux yeux de beaucoup,
bien plus légitime que le pouvoir corrompu.
Mais à dire vrai, dans l’ambiance de montée de l’islamisme,
avec la combinaison de la conception religieuse de la politique et
de la conception politique de la religion, on a perdu de vue que le facteur
de
blocage essentiel de la société est bien moins la religion
en tant que telle que la prégnance de l’idéologie
communautaire et patriarcale. Pour être socialement et politiquement
pertinentes, les notions de liberté et d’égalité mises
en avant par le FIS supposaient une rupture dans l’imaginaire
politique et les représentations sociales dont ses dirigeants étaient
loin d’être conscients (ils insistaient par exemple sur
le fait que l’Islam à sa naissance avait libéré la
femme, sans que soit évoquée son infériorité juridique
inscrite dans le droit aujourd’hui en vigueur). Ce n’est
donc pas un hasard si leurs arguments contre la libéralisation
de la société se rapportaient, de manière obsessionnelle,
au statut de la femme : c’est moins de la femme qu’il s’agissait
que de la défense de la structure de la société.
Cette confusion, combinée à la radicalité « éradicatrice » du
pouvoir, explique que l’utopie islamiste demeure populaire (du moins
au début de la guerre), contribuant à empêcher la formation
d’un champ politique pluriel.
TPP - Algérie
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