Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 14 : Économie, prédation
et État policier
(Omar
Benderra et Ghazi Hidouci)
Dossier
complet (pdf)
Selon
certains indicateurs, l’économie algérienne est
en bonne santé, car ses « grands équilibres » macroéconomiques
ont été restaurés : depuis 1999, la balance des paiements
et le budget sont excédentaires, les réserves officielles
de devises ont augmenté, passant de moins d’un mois d’importation
en 1990 à plus de vingt-quatre mois à fin janvier 2003. La
dette extérieure a diminué d’environ 80 % du PIB en
1993 à environ 21 % en 2002.
Mais cette situation cache une situation économique absolument
dramatique pour la majorité de la population : la production nationale
per capita diminue régulièrement, plus de 40 % de la population
vit en dessous du seuil de pauvreté et le pouvoir d’achat
de la majorité s’est effondré depuis dix ans, le
chômage
touche officiellement 27 % de la population active (et 46 % des jeunes
de vingt à vingt-quatre ans), la moitié de la population
n’a pas accès aux soins et des maladies d’un autre âge
(peste, tuberculose, typhus…) sont apparues, la pénurie
de logements est dramatique, l’analphabétisme ne cesse de
progresser, etc. Au point que les émeutes urbaines se multiplient
depuis 2001.
Cette situation s’explique par la domination écrasante du
secteur des hydrocarbures (pétrole et gaz) sur l’économie
: c’est le seul secteur qui fonctionne correctement (sous le contrôle
des grandes multinationales occidentales). Il est source d’importantes
richesses, accaparées par une minorité de « décideurs »,
au cœur du pouvoir réel. Ces mêmes décideurs,
grâce à l’omniprésente police politique (le
DRS), entretiennent un niveau élevé de corruption, nourri
notamment par les commissions occultes sur les importations de biens
de consommation,
ce qui bloque toute possibilité de développement de la
production locale. D’où également un délitement
continu et dramatique de toutes les institutions (administration, justice,
système
fiscal et douanier, système bancaire…), entièrement
mises au service des réseaux prédateurs.
L’impunité des
affairistes aux commandes bloque les acteurs économiques
capables de dynamisme et entretient le climat de défiance dans
l’investissement,
de corruption et de violence. Cette organisation de la prédation
et du désordre prévaut depuis 1992, dans le cadre de
l’état
d’urgence et des lois d’exception. Depuis 1994, elle a
trouvé une
légitimation « théorique » dans les accords
avec le FMI ; et depuis septembre 2001, elle cherche à tout
prix à acquérir
une nouvelle virginité dans l’association avec l’Occident,
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste.
Entre les scandaleux et voyants privilèges d’une petite minorité et
la misère de plus en plus difficile à cacher de la majorité,
l’économie de prédation ronge aujourd’hui une
société sans espoir, mais entêtée à survivre.
La captation des ressources économiques au seul profit d’une
caste prédatrice a provoqué la déstructuration du
tissu social : pour l’immense majorité de la jeunesse algérienne,
il ne reste aujourd’hui d’espoir que dans l’émigration — les
seules autres perspectives sont le chômage, la délinquance
ou la subversion.
TPP - Algérie
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