Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 15 : Les instruments juridiques de la
répression
(Yahia
Assam)
Dossier
complet (pdf)
Après la répression brutale des manifestations organisées
en mai 1991 dans le cadre de la grève générale illimitée
lancée par le FIS, le président Chadli Bendjedid décrétait
l’état de siège, le 5 juin 1991, reportait les élections
législatives prévues à la fin du mois et annonçait
la démission du gouvernement du « réformateur » Mouloud
Hamrouche. Dès lors, le haut commandement militaire ne cessera
de renforcer son emprise sur l’appareil d’État et
la société.
Ce processus va connaître trois phases, qui seront accompagnées
de la mise en place progressive d’instruments juridiques permettant
aux décideurs militaires à la fois de donner à leur
pouvoir des apparences de légalité et d’étouffer
toute évolution de la société algérienne
vers la démocratie :
Une phase de préparation. Après la promulgation de l’état
de siège en juin 1991, plusieurs décrets exécutifs
ont permis de donner, dans le cadre de la loi, pleins pouvoirs à l’armée
pour placer des milliers de personnes arrêtées dans des « centres
de sûreté », interdire les réunions et des
publications. Cette campagne d’arrestation vise à recenser
les militants islamistes du FIS et à tester les capacités
de la société en
général et de l’opposition en particulier face à la
remise en cause des acquis démocratiques de la période
1989-1990. La loi du 6 décembre 1991, suivi d’un décret
présidentiel
du 21 décembre 1991, va donner au comman-dement militaire plus
d’autonomie
d’action par rapport au président. Cette loi permet ainsi à l’armée
d’intervenir en cas de trouble à la demande du chef du gouvernement
(acquis au commandement militaire), et non pas du président comme
s’était le cas auparavant. Dans la foulée, deux autres
lois restrictives vont être votées concernant les libertés
syndicales et les réunions publiques.
Une phase de prise de pouvoir et de répression. Après le
coup d’État du 11 janvier 1992 et l’instauration du « Haut
comité d’État » (HCE), l’Algérie
bascule dans l’illégalité. Le 9 février 1992,
l’état d’urgence est proclamé. Le soir même,
des milliers de personnes sont arrêtées puis envoyées
dans des centres de détention dans le sud du pays. L’interruption
par l’armée du processus électoral plonge le pays
dans une longue période de non droit et de violence armée,
caractérisée
par la suspension de la Constitution de février 1989, l’absence
totale d’institutions élues, la prolongation de l’état
d’urgence et l’instauration de lois d’exceptions relatives à la
lutte « antiterroriste ». L’Algérie va être
gérée à coup de décrets et de modifications
de loi en dehors de toute institution élue. Une longue parenthèse
voit émerger des insti-tutions de transition — le Conseil
consultatif national, puis, en mai 1994, le Conseil national de transition
(l’un comme l’autre constitue un ersatz de Parlement, sans
aucun pouvoir) — pilotées par le régime et dont les « représentants » sont
désignés et triés sur le volet afin de « légitimer » et
faire passer les lois scélérates pour neutraliser la justice,
contrôler la presse et faire passer des lois antisociales.
Une phase de retour à la « légalité institutionnelle ».
Après l’arrivée du général Liamine
Zéroual à la
tête de l’État en janvier 1994, un processus de « légitimation » des
institutions est mis en place : élection présidentielle
en novembre 1995, réforme constitutionnelle en 1996, élections
législatives et communales en 1997. Il faut rappeler que, de 1988 à 2004,
l’Algérie a connu onze consultations électorales
(locales, législatives, présidentielles et deux réformes
constitutionnelles), mais que les présidents de la République
sont de fait cooptés
par les chefs l’armée, faisant ainsi barrage à toute
solution politique et pacifique. L’armée, seule détentrice
du pouvoir réel, exerce le contrôle sur chaque scrutin en
usant de la fraude électorale, confisquant ainsi toute souveraineté populaire.
Ce processus sera accompagné d’un certain nombre de décrets
et lois qui remettent en cause les libertés constitutionnelles
(dont la loi organique sur les partis politiques et la loi sur la généralisation
de la langue arabe, qui impose une discrimination).
Ces lois liberticides (toujours en vigueur en 2004) ont donc été votées
soit par des institutions issues du parti unique après octobre
1988, soit par des institutions non élues cooptées par
le commandement militaire au lendemain de l’arrêt du processus
démocratique de janvier 1992. Ce dossier propose un aperçu
chronologique des principales lois, décrets et autres ordonnances
concoctés par ces institutions illégitimes afin de « couvrir » une
politique de répression et de confiscation des droits les plus élémentaires
du citoyen.
TPP - Algérie
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