Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 7 : Les violations de la liberté de
la presse
(François Gèze
et Sahra Kettab)
Dossier
complet (pdf)
Il est difficile de parler de la liberté de la presse en Algérie
sans parler d’abord des cinquante-sept journalistes assassinés
dans le pays entre 1993 et 1997 et des cinq journalistes disparus. Aucune
enquête sérieuse n’a été menée
pour retrouver les coupables. Lorsqu’un État n’est
plus capable de garantir le droit, la justice n’existe pas et les
violations du droit deviennent «systématiques ».
Comment revendiquer la liberté de la presse en Algérie,
lorsque la mort devient « banale » ?
Dans ces conditions, peut-on parler de droits de la presse algérienne
?
Il est impossible de comprendre les problèmes de la presse en Algérie
en s’attachant aux seules questions juridiques. Il faut prendre en
compte des facteurs techniques, financiers et politiques. Leur rôle
respectif varie selon que l’on s’attache à la collecte
de l’information, au régime de l’entreprise de presse
ou de la publication et à la diffusion.
Peut-on dire que la presse algérienne est la « plus libre
du monde arabe », alors que cette dernière ne rend compte
que très partiellement des problèmes réels que connaît
le pays ? Alors que toute entreprise de presse est soumise, de facto, à un
régime d’autorisation, soumise en permanence à la menace
constante du retrait de l’autorisation, de la suspension, de l’interdiction
voire de la fermeture, sans qu’elle ait le droit à un recours
? Peut-elle être libre lorsque la majorité des « patrons
de presse », à la tête des plus grands quotidiens, sont
issus du parti unique au pouvoir depuis l’indépendance ? Une
partie de cette presse ne sert-elle pas les intérêts du pouvoir
algérien ?
Afin de répondre à ces questions, il est important de rappeler,
en premier lieu, l’évolution de la presse écrite
privée
(les médias audiovisuels sont restés sous le monopole de
l’État) depuis 1990, date de sa naissance, le rétablissement
de la censure, la création de l’information sécuritaire,
le durcissement du Code pénal, le monopole de l’État
sur l’impression et la publicité et les problèmes
que rencontrent les journalistes étrangers pour témoigner
du fait que la liberté de la presse algérienne n’est, à beaucoup
d’égards, qu’une liberté de façade.
En second lieu, il faut rendre compte de la situation des journalistes
depuis
l’arrêt du processus démocratique en janvier 1992,
de la répression aux exécutions sommaires, impunies. Certains
d’entre eux ont disparu, d’autres ont subi des « harcèlements
judiciaires », d’autres encore ont vu leur journal suspendu
ou interdit. C’est le cas, fin 1996, de La Nation, qui fut durant
ces années le seul hebdomadaire « indépendant et
privé » à parler
des violations des droits de l’homme, de la répression contre
les militants islamistes, des ratissages, des disparus, etc. Tout ce
qui « fâche » et
qui n’est jamais traité dans les autres journaux.
En dressant un tableau de la situation dans laquelle se trouvent depuis
1992 les journalistes algériens, l’on prend la mesure des
menaces qui pèsent sur eux. Mais cela ne peut faire oublier que
la presse peut aussi jouer un rôle nuisible : attaques calomnieuses
contre des hommes politiques ou autres personnalités, campagnes
de dénigrement contre certains corps de l’État, etc.
On passe très aisément de la dénonciation des scandales à la
manipulation pure et simple de l’opinion publique. Cependant, la
frontière n’est pas toujours claire entre la prise à témoin
de l’opinion publique et sa manipulation. N’y a-t-il pas
des journalistes qui travail-lent pour la police politique, le DRS (Département
du renseignement et de la sécurité) ? La presse n’est-elle
pas aussi, un instrument des luttes des clans qui accaparent le pouvoir
et les richesses des pays depuis deux décennies ?
La réponse à ces questions détermine le jugement
que l’on porte sur la crise algérienne. En dépit
des manquements massifs aux droits de l’homme, l’Algérie
est parfois présentée comme une « démocratie
naissante »,
que la communauté internationale se doit d’aider dans la
crise qu’elle traverse. En écho à cette position,
le régime
présente un bilan positif en matière de pratiques démocratiques
: légitimation par les urnes de ses institutions, existence d’une
presse « libre et pluraliste » et renoncement au système
du parti unique au profit de la démocratie pluraliste. Ce dossier
(avec d’autres) montre que la réalité est bien différente.
TPP - Algérie
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