Tribunal
permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme
en Algérie
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Résumé du Dossier
n° 9 : Les violations du droit d’association
(Sahra
Kettab)
Dossier
complet (pdf)
Pendant
plus d’un quart de siècle, du 1962 à 1989,
la vie associative n’a guère existé. Pourtant, la
Constitution de 1976 reconnaissait bien la liberté d’association,
mais il faut attendre 1987 pour que la loi du 21 juillet détermine
le cadre d’exercice de cette liberté et ce, de façon
encore assez restrictive. Ce n’est qu’après les révoltes
d’octobre 1988 qu’une nouvelle Constitution est approuvée
par référendum le 23 février 1989. La loi 90/31
du 4 décembre 1990 relative aux associations à caractère
social consacre la reconnaissance constitutionnelle de la liberté d’association
et définit ses modalités de mise en œuvre.
Selon le ministère de l’Intérieur, 823 associations
nationales et 53 743 associations locales regroupant toutes les catégories
(sportives, professionnelles, scientifiques, art, histoire, environnement,
droits de l’homme, professionnelles), ont été créées à cette époque.
Cependant, ces associations sont soumises à une demande d’agrément
et dépendent des subventions accordées par l’État.
C’est aussi à cette période que des associations de
défense des droits de l’homme sont nées. La première
d’entre elles, la Ligue algérienne pour la défense
des droits de l’homme (LADDH), présidée par Me Ali
Yahia Abdennour, est fondée le 30 juin 1985 (mais elle ne sera reconnue
officiellement qu’en 1990). Pour contrer la création de cette
Ligue composée de militants indépendants, le pouvoir suscite
immédiatement la création d’une autre Ligue des droits
de l’homme, et après le coup d’État de janvier
1992, le pouvoir installera par décret une instance officielle,
l’« Observatoire national des droits de l’homme ».
La cause des droits de l’homme est ainsi détournée
de sa fonction de contre-pouvoir veillant au respect des droits individuels
et accaparée par le pouvoir pour servir de paravent aux atroces
violations des droits de l’homme perpétrées par ses
forces de sécurité.
Durant la courte période démocratique, les associations
les plus nombreuses et actives étaient celles du mouvement islamiste.
Après le coup d’État, la plupart d’entre elles
ont été dissoutes tandis que de nombreuses autres ont été réduites à devenir
un instrument du pouvoir : celui-ci a tout fait pour les infiltrer, les
manipuler, les discréditer auprès de l’opinion et
les marginaliser. La montée du terrorisme islamiste, en partie
manipulé par
le DRS dès 1992, a dissuadé l’action des associations
démocratiques, particulièrement ciblées par ces
actions, ou les a poussées à s’aligner sur la stratégie
d’« éradication » violente de l’islamisme
des « décideurs ». Ces formations ont d’abord,
majoritairement, soutenu l’arrêt du processus dé-mocratique,
avant de devenir de simples relais du pouvoir.
Mais de nouvelles associations consacrées aux droits de l’homme
se sont créées pendant les années 1990. Lorsqu’elles
ne sont pas directement créées à l’initiative
de l’administration, elles sont reprises en main, à l’instar
des associations de défense des victimes du terrorisme, afin de
ne pas laisser le mouvement associatif découvrir la vérité sur
cette « sale guerre ». De nombreuses associations ont subi
diverses formes d’intimidations avant même l’obtention
de leur agrément, comme ce fut le cas des associations des familles
de disparus ou du syndicat des enseignants. Pour renforcer ces violations évidentes
de la loi sur la liberté d’association, lors des débats
sur la loi des finances pour 2002, le ministre de la Solidarité a
franchement déclaré qu’« il n’y aura
pas de subventions aux associations qui ne soutiennent pas le gouvernement »,
avant d’ajouter que « le gouvernement ne peut pas accorder
des enveloppes finan-cières à des associations qui, à partir
de capitales étrangères, ne cessent de critiquer la démar-che
présidentielle et la politique du gouvernement » (Le Jeune
Indépendant, 23 octobre 2001).
Les très rares associations véritablement indépendantes
tolérées par le pouvoir, comme la LADDH, fonctionnent dans
une extrême précarité, soumises aux pressions permanentes
et aux tentatives d’infiltration et de division du DRS, au point
que, en 2004, on ne les compte plus que sur les doigts d’une seule
main.
TPP - Algérie
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