Tribunal permanent des peuples : Les violations des droits de l'homme en Algérie

Comité Justice pour l’Algérie

32e Session du
Tribunal permanent des peuples

LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME
EN ALGERIE
(1992-2004)

5 - 8 novembre 2004

Appel de soutien

Liste signataires


Organisée par le Comité Justice pour l’Algérie avec le soutien de
:
— Algérie : Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), SOS Disparus.
— France : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Association droits de l’homme pour tous (ADHT), Cedetim, Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie, Ligue française des droits de l’homme, Survie.
— Allemagne : Pro Asyl.
— ONG internationales : Algeria-Watch, Amnesty International, Comité international pour la paix, les droits de l’homme et la démocratie en Algérie (CIPA), Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Human Rights Watch (HRW), Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Reporters sans frontières (RSF), Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (REMDH).

Comité Justice pour l’Algérie, c/o Cedetim, 21 ter, rue Voltaire, 750011 Paris
Site Web : www.algerie-tpp.org. Adresse mail : info@algerie-tpp.org

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Présentation courte


Plan du dossier

1. Objectif de la saisine du Tribunal permanent des peuples

2. Qu’est le Tribunal permanent des peuples ?

3. La session du Tribunal permanent des peuples sur les violations des droits de l’homme en Algérie
a) Bref rappel des événements pris en compte
b) L’objet de la session
c) Le déroulement de la session

4. Les dossiers présentés au tribunal

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1. Objectif de la saisine du Tribunal permanent des peuples

Le Tribunal permanent des peuples (TPP) a été saisi le 20 juin 2003 par le Comité Justice pour l’Algérie , avec le soutien de plusieurs ONG (algériennes, françaises et internationales) de défense des droits humains, pour se prononcer sur les violations graves des droits de l’homme et du peuple algérien perpétrés par les services de sécurité de l’État, par leurs auxiliaires ainsi que par toute force ou tout groupe armé se réclamant de l’Islam. Dans la session qui se déroulera à Paris du 5 au 8 novembre 2004, il s’agira de présenter au Tribunal une vue d’ensemble de ces violations, éclairée par le rappel de l’évolution de la situation politique et économique en Algérie depuis 1988.

Il se trouve que cette initiative coïncide, à quelques jours près, avec le cinquantième anniversaire du déclenchement de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Le 1er novembre 1954, les fondateurs du Front de libération nationale (FLN) conduisaient une série d’actions armées qui marquèrent le début d’une terrible guerre pour libérer leur pays soumis depuis 1830 au joug féroce de la colonisation française. Il faudra, on le sait, plus de sept ans de souffrances atroces et des centaines de milliers de morts pour que le peuple algérien accède enfin à l’Indépendance. Des deux côtés de la Méditerranée, les plaies de cette guerre sont encore loin d’être cicatrisées, et il est donc essentiel, pour permettre une authentique réconciliation entre les peuples français et algérien, que les mémoires plurielles de cette tragédie puissent aujourd’hui être entendues, et que la France reconnaisse sa responsabilité dans ces pages noires de son histoire.

Pour autant, cette indispensable reconnaissance ne doit pas occulter une autre réalité : les dirigeants de l’Algérie d’aujourd’hui, qui revendiquent l’héritage des premiers combattants du 1er novembre, sont en en réalité les héritiers de ceux qui ont confisqué le droit à l’autodétermination pour lequel le peuple algérien a consenti d’énormes sacrifices. Au lendemain même de l’indépendance, une autre forme d’oppression s’est installée en Algérie, avec l’imposition d’un parti unique contrôlé par l’armée. Une minorité a confisqué la lutte de tout un peuple, et instauré un régime qui, derrière les discours généreux du socialisme, a soumis ce peuple à sa férule autoritaire. Et depuis 1979, de nouveaux dirigeants ont imposé la même férule, au nom cette fois du libéralisme et de l’accaparement systématique, par la corruption, des richesses du pays. Jusqu’à déclencher, en 1992, une effroyable guerre civile, quand leur pouvoir s’est vu contesté dans les urnes par l’opposition islamiste.

Il ne faudrait pas que l’horreur de cette « seconde guerre d’Algérie » soit aujourd’hui occultée par une célébration frelatée de la première, conduite par ceux-là mêmes qui, en Algérie et à certains égards en France, ont fait que le peuple algérien est plongé depuis 1992 dans la terreur et la misère. C’est pourquoi les membres, Algériens et français, du Comité Justice pour l’Algérie, ont saisi le Tribunal permanent des peuples afin que soient jugées les violations des droits de l’homme d’aujourd’hui, lors d’une session dont la date est aussi un hommage aux combattants du 1er novembre 1954.

Mais pourquoi ce recours à un « tribunal d’opinion » ? En premier lieu, parce que la communauté internationale a failli. Malgré l’ampleur et l’atrocité de la guerre qui a ensanglanté l’Algérie depuis 1992, faisant des dizaines de milliers de victimes, des milliers de « disparus » et des centaines de milliers de déplacés, la communauté internationale n’a pas été en mesure de diligenter une commission d’enquête internationale indépendante pour faire la lumière sur les responsables de ces crimes, ni d’obtenir du gouvernement algérien que les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la torture et les disparitions forcées puissent aller en Algérie. Et bien sûr, le recours à la Cour pénale internationale reste doublement exclu pour les victimes du drame algérien, puisqu’elle n’est compétente que pour les crimes postérieurs à son entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, sur le territoire d’États qui ont ratifié sa compétence, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie.

En second lieu, les recours par des victimes à d’autres voies de droit, notamment celles fondées sur les principes de « compétence universelle », se sont heurtés à des obstacles considérables. Certes, en septembre 2002, le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense algérien, a été débouté du procès en diffamation qu’il avait intenté devant le Tribunal de grande instance de Paris contre l’ex-sous-lieutenant Habib Souaïdia, auteur du livre La Sale Guerre. Ce dernier le mettait sérieusement en cause, ainsi que plusieurs hauts responsables de l’armée et des services de renseignements algériens, dans de graves violations des droits humains et des droits des peuples dont sont victimes les populations algériennes depuis 1988 et surtout depuis l’interruption du processus électoral en janvier 1992.

Cette décision de justice a été une étape importante dans le combat que mènent depuis plusieurs années des ONG et des militants de défense des droits humains, tant en Algérie que sur la scène internationale, pour faire la lumière sur les responsabilités du drame qui ensanglante l’Algérie depuis tant d’années. Plusieurs organisations nationales et internationales (en particulier la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, Amnesty International, la FIDH, Human Rights Watch, Reporters sans frontières, Algeria-Watch) ont en effet permis, par de nombreux rapports d’enquêtes documentés, de fournir un ensemble d’informations qui, avec les dépositions des témoins de la défense, ont joué un rôle important pour éclairer la décision du Tribunal de grande instance de Paris.

Elles ont aussi encouragé, parallèlement, à ce que des actions plus directes de mise en cause des responsables soient engagées ou préparées. Ainsi, en avril 2001 et juin 2002, deux plaintes ont été déposées par des citoyens algériens devant les tribunaux français contre le général Nezzar, pour crimes de torture, sur la base de la convention de 1984 sur la torture. Ces plaintes ont été classées sans suite par le Parquet de Paris, après une instruction très rapide, où les considérations politiques semblent avoir joué leur rôle.

Cette voie de droit, pour faire reconnaître et juger les responsables des violations des droits humains en Algérie, ne doit certes pas être abandonnée. En effet, certaines procédures judiciaires fondées sur les principes de la « compétence universelle » permettent théoriquement de poursuivre les responsables algériens devant les juridictions de pays tiers. Et même si leur issue est incertaine (comme l’a montré le cas Pinochet), de telles actions peuvent jouer un rôle essentiel pour sensibiliser et informer l’opinion internationale, ce qui est particulièrement important dans le cas algérien, caractérisé plus que d’autres par l’opacité et la désinformation.

Toutefois, il faut être conscient que cette voie reste fragile :
— au plan juridique : ce type de procédure requiert en général que le(s) responsable(s) visé(s) et/ou le(s) plaignant(s) soient physiquement présents sur le territoire du pays où la plainte est déposée, ce qui constitue une contrainte forte ; autre contrainte, la mise en œuvre du principe de compétence universelle peut être limitée à certains crimes seulement (c’est le cas par exemple en France, où elle ne peut être invoquée que pour des actes de torture) ;

— au plan politique : en l’espèce, plus que dans d’autres procédures, le pouvoir exécutif peut intervenir auprès du pouvoir judiciaire pour freiner ou bloquer son action (cela semble particulièrement vrai en France, du fait de l’étroitesse des liens entre la classe politique française et les « décideurs » algériens) ; risque encore accru depuis le 11 septembre 2001, avec le renforcement du soutien apporté par les États européens et les États-Unis aux régimes censés lutter contre le terrorisme islamique, fussent-ils non-démocratiques (comme celui de l’Algérie).

C’est pourquoi, sans pour autant renoncer à ce type de procédures, et en s’inscrivant dans la continuité du travail et des actions contre l’impunité menés depuis des années par les ONG nationales et internationales de défense des droits humains, le Comité Justice pour l’Algérie, avec le soutien de plusieurs de ces dernières, a décidé de saisir le « Tribunal permanent des peuples » (TPP) sur les violations des droits de l’homme en Algérie.


2. Qu’est le Tribunal permanent des peuples ?

Le Tribunal permanent des peuples est un tribunal international d’opinion, indépendant des États. Il examine, publiquement et contradictoirement, les cas de violations des droits de l’homme et des peuples qui font l’objet de plaintes dont les victimes (ou les personnes privées ou morales qui les soutiennent) le saisissent. Il a été fondé en juin 1979 à Bologne par des juristes, des écrivains et d’autres intellectuels, sous l’impulsion de la Fondation internationale Lelio Basso pour le droit et la libération des peuples , créée en 1976 à l’initiative du résistant et démocrate italien Lelio Basso (1903-1978). Ce tribunal a succédé aux tribunaux Russel, qui avaient mis à nu dans les années 1960 et 1970 les crimes de guerre commis au Viêt-Nam et qui ont été présidés par Bertrand Russel, puis par Jean-Paul Sartre et Lelio Basso. Le Tribunal permanent des peuples a d’abord été présidé par François Rigaux, professeur de droit à Bruxelles, puis, jusqu’à ce jour, par Salvatore Senese, magistrat italien.

Peu après sa création en 1976, la Fondation a convoqué une conférence internationale à Alger qui, le 4 juillet 1976 (jour du deux centième anniversaire de la déclaration d’indépendance américaine et veille de la fête nationale algérienne), a proclamé la « Déclaration universelle des droits des peuples ». Bien qu’il s’agisse d’une initiative privée et que la notion de « droits des peuples » se trouvait déjà indiquée dans un certain nombre d’instruments internationaux, cette tentative a été la première à formuler, dans un document unique, les droits des peuples.
Avec la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Charte des Nations unies, charte des relations entre États, la Déclaration d’Alger constitue un document que de nombreux juristes internationaux considèrent aujourd’hui comme un document fondamental. Vingt-huit ans après son adoption, force est de constater que ce texte n’a pas perdu son caractère d’actualité et que le lieu comme la date qui avaient été choisis pour l’adopter trouvent, dans le contexte actuel, une résonance particulière.

Le secrétariat du TPP est installé à Milan (Italie). Il est assuré par la Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, créée en juin 1982, qui a obtenu de l’ONU le statut d’organisation non gouvernementale (ONG) accréditée auprès de l’ECOSOC (Economic and Social Council) et qui est représentée à la Commission des droits de l’homme à Genève. Le tribunal diffuse ses sentences dans le système des Nations Unies par l’intermédiaire de la Ligue. Ses travaux contribuent à l’action de la société civile mondiale et sont portés à la connaissance de l’opinion publique par les médias.

Le Tribunal permanent des peuples peut être saisi par des requêtes formulées par des associations, des partis, des organismes et des personnalités. Ces requêtes doivent émaner de personnes crédibles et indiquer les violations reprochées, les autorités, groupes ou personnes que les parties demanderesses estiment pouvoir mettre en accusation aux fins de les voir condamnées.

Le Tribunal permanent des peuples dispose d’un large pouvoir d’appréciation et d’investigation pour retenir, étendre ou rejeter tout ou partie de la demande. Il convoque toutes les parties intéressées et offre évidemment la possibilité aux accusés de faire entendre leurs arguments. Le tribunal décide en liaison avec les parties demanderesses du lieu de réunion et de la durée du procès. Il décide de la composition du jury. Les membres du jury sont choisis sur une liste de juges établie auprès du secrétariat du Tribunal permanent des peuples (composée de soixante membres, dont vingt-trois juristes et cinq Prix Nobel, de trente et une nationalités différentes).
Le Tribunal statue sur les faits qui lui sont soumis et sur ceux qu’il peut dégager ou mettre en lumière à la suite de ses investigations. Il applique les règles générales et conventionnelles du droit international, et en particulier les principes généralement admis dans les conventions et la pratique internationale relative aux droits humains et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Depuis sa session constitutive en juin 1979, le Tribunal permanent des peuples a tenu trente et une sessions, dont les thèmes peuvent être regroupés en trois ensembles :
— les violations concernant des peuples spécifiques (quatorze sessions) ;
— les nouvelles frontières du droit (quatre sessions) ;
— les « nouveaux » sujets du droit et les « nouvelles violations » (onze sessions).


3. La session du Tribunal permanent des peuples sur les violations des droits de l’homme en Algérie

a) Bref rappel des événements pris en compte
Les premières élections législatives pluralistes en Algérie ont été interrompues le 11 janvier 1992 par le haut commandement militaire afin d’éviter la victoire du parti islamiste FIS (Front islamique du salut), qui, à l’issue du premier tour de ce scrutin, avait déjà remporté 188 sièges sur les 232 pourvus. En ballottage souvent favorable dans les 143 circonscriptions restantes, il était assuré de dominer la future Assemblée.

Les institutions légales furent alors mises en suspens : l’Assemblée nationale a été dissoute (de façon antidatée) le 4 janvier et le président de la République, Chadli Bendjedid, a été « démissionné » le 11 janvier. La direction de l’État a été confiée à une nouvelle instance créée pour l’occasion par les chefs de l’armée, non prévue par la Constitution, le « Haut Comité d’État » (HCE), composé de cinq personnes, dont le général Khaled Nezzar (ministre de la Défense depuis juillet 1990) et Mohammed Boudiaf (président du HCE), un des pères de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie — lequel, pensant « sauver » l’Algérie, accepta de quitter son exil de plus de trente ans et finit assassiné cinq mois plus tard, très probablement à l’initiative des généraux qui l’avaient fait venir et qui se sentaient menacés par son indocilité.

Dès lors, non seulement le FIS a été interdit (en mars 1992), mais aucun autre parti n’a pu agir au-delà des « lignes rouges » tracées par les décideurs militaires. Durant l’année 1992, tout un arsenal juridique a été mis en place pour criminaliser tout mouvement contestataire et toute expression libre. Dès février 1992, au soir même de l’instauration de l’état d’urgence, des milliers de responsables, sympathisants ou supposés proches du FIS ont été internés dans des camps, et toutes les assemblées communales (municipalités) sous contrôle du FIS depuis les élections de 1990 ont été dissoutes.

Les militants du FIS qui ne furent pas emprisonnés fuirent à l’extérieur du pays ou rejoignirent les premiers maquis qui commençaient à se former. Les premiers attentats contre les forces de sécurité seront suivis, en 1993, d’assassinats de personnalités et d’intellectuels. Suite à l’attentat sanglant perpétré dans l’aéroport d’Alger fin août 1992 (et dont les commanditaires ne sont toujours pas connus à ce jour), un décret organisant des mesures exceptionnelles pour lutter contre le terrorisme a été promulgué le 30 septembre (certaines des dispositions de ce décret seront plus tard intégrées dans le code pénal et font donc figure depuis de législation ordinaire). Et au même moment, fut créé, sous la direction du chef d’état-major de l’ANP, le général Mohamed Lamari, un centre de coordination des troupes spéciales de l’armée engagées dans la lutte antiterroriste (Centre de conduite et de coordination des actions de lutte anti-subversive, CCC/ALAS).

Une violence sans égale s’instaura dès 1993, faisant des victimes, surtout civiles, dans toutes les couches de la société. Alors qu’il est établi qu’un certain nombre d’attentats, d’assassinats et de massacres sont alors commis par des groupes armés islamistes, la machine de guerre du CCC/ALAS a engagé une spirale de répression sauvage visant surtout la population civile et à laquelle participèrent tous les services de sécurité ; et des milices, créées à partir de mars 1994 à l’instigation de l’armée, participent à la répression. L’apogée des crimes se situe entre 1994 et 1998 : systématiquement attribués aux groupes islamistes par l’information officielle, d’autres sources crédibles indiquent qu’ils sont en réalité très largement imputables, surtout à partir de 1996, aux forces de sécurité et à leurs auxiliaires. Au total, près de 200 000 personnes ont été tuées en quatorze ans, près de 20 000 ont disparu, des dizaines de milliers ont été torturées, près d’un million et demi ont été déplacées, près d’un demi-million a quitté le pays. Depuis 1999, le nombre de morts a baissé, mais il était toujours, fin 2002, d’au moins deux cents par mois et, en 2004, d’au moins cinquante par mois.

Fondamentalement, en 2004, rien n’a changé dans le dispositif sécuritaire et politique : l’arsenal juridique reste en place, l’état d’urgence est toujours en vigueur, les centres de détention secrets (lieux de torture et de disparition contrôlés par les forces de sécurité) fonctionnent toujours, les responsables militaires de ces crimes gravissent les échelons de la hiérarchie et des groupes armés continuent à tuer au nom de l’islam. La justice est totalement assujettie à un système politique et militaire corrompu. Les quelques magistrats qui durant les années passées ont tenté de faire leur travail ont été sanctionnés ou mutés. L’impunité totale continue de régner.

b) L’objet de la session
L’objet de la session sera :
— de déterminer les responsabilités dans les violations graves des droits humains et des droits des peuples dont ont été victimes les populations en Algérie depuis 1992 ;

— de permettre au TPP de prononcer une sentence qualifiant les violations graves et systématiques des droits de l’homme perpétrées par les différentes institutions de l’État (en particulier les autorités militaires et les forces de sécurité) ainsi que par les groupes islamistes armés ;

— de formuler des recommandations précises aux instances gouvernementales algériennes et à la communauté internationale sur la situation algérienne.

Les violations des droits humains soumises à l’appréciation du tribunal seront les suivantes : exécutions extrajudiciaires et assassinats, massacres, torture et viols, disparitions forcées, enlèvements et détentions arbitraires, violations des libertés d’expression (y compris assassinats et disparitions de journalistes), violations des libertés publiques et des droits économiques et sociaux.

Il est important de préciser, à ce propos, que si l’ensemble des informations disponibles à ce jour montre l’écrasante responsabilité du « terrorisme d’État » dans la violence meurtrière que connaît l’Algérie depuis 1988 (et surtout depuis 1992), il ne s’agit pas pour autant d’exonérer de leurs crimes les groupes et individus qui, affirmant lutter au nom de l’islam contre le pouvoir, se sont eux aussi rendus coupables de violations graves des droits de l’homme. Même si ces responsabilités sont encore plus difficiles à établir (du fait de la manipulation par le pouvoir de la violence islamiste, du silence complice des membres « repentis » des groupes islamistes armés et de l’absence totale d’enquêtes sérieuses sur ces crimes), elles seront soumises à l’appréciation du tribunal.

c) Le déroulement de la session
Le jury constitué pour cette trente-deuxième session du Tribunal permanent des peuples est composé de dix personnes, de sept nationalités différentes (leurs noms et qualités seront rendus publiques lors de l’ouverture de la session). La session se tiendra, à Paris, le vendredi 5 novembre après-midi et toute la journée du samedi. Le lundi matin, lors d’une conférence de presse, les membres du tribunal feront connaître leur sentence.

La session est organisée en dix séances thématiques, de durée variable (de 45 mn à 1 h 45). Lors de chaque séance, un ou plusieurs experts exposeront les faits mis en cause et chaque fois que ce sera nécessaire, des témoins de ces faits seront entendus par le Tribunal (au total, une trentaine de personnes seront entendues). À la fin de chaque séance, une plage de temps (de 10 à 30 mn) sera réservée aux questions que les membres du tribunal souhaiteront poser aux experts et témoins. Comme dans les audiences de tout tribunal, seuls seront autorisés à prendre la parole les membres du tribunal et les témoins et experts auditionnés.

Le déroulement de la session sera donc le suivant :

Vendredi 5 novembre 2004 (de 14 heures à 19 heures)
I/ Les violations des droits humains et le système répressif au cours de la période 1988-2004
II/ Les violations des droits sociaux
III/ Le contexte politique : rôle historique de l’islam dans le champ politique en Algérie ; organisation du système politique.
IV/ Le contexte économique : prédation, corruption et complicités internationales en arrière-plan des violations massives des droits de l’homme.

Samedi 6 novembre 2004 (de 9 heures à 18 h 30)
V/ La torture
VI/ Les disparitions forcées
VII/ Les massacres
VIII/ La responsabilité des groupes armés islamistes dans les violations des droits de l’homme ; la manipulation de la violence islamiste
IX/ L’organisation du système de répression : la structuration des forces de l’ordre et le rôle des milices.
X/ L’organisation de l’impunité.

Lundi 8 novembre 2004
11 h 00 – 13 h 00 : conférence de presse du président du TPP pour la présentation de la sentence du tribunal.


4. Les dossiers présentés au tribunal

Dans le but de documenter et compléter les sujets développés lors de la session, le Comité Justice pour l’Algérie, après concertation avec le secrétariat du TPP, a élaboré dix-neuf dossiers thématiques détaillés et extrêmement circonstanciés, rédigés par ses membres ou par des spécialistes qu’il a sollicités, faisant la synthèse précise de toutes les informations disponibles à ce jour.

Ces dossiers, comprenant chacun vingt à cent pages, soit au total quelque 1 300 pages assorties de milliers de références, composent deux grands ensembles :

— dossiers « violations des droits humains » : 1. La torture, une pratique systématique ; 2. Les massacres en Algérie, 1992-2004 ; 3. Les disparitions forcées ; 4. Les détentions arbitraires ; 5. Les exécutions extrajudiciaires ; 6. Les centres de tortures et d’exécutions ; 7. Les violations de la liberté de la presse ; 8. Les violations des libertés syndicales ; 9. Les violations des libertés associatives ; 10. Les violations des droits de l’homme par les groupes islamiques armés ;

— dossiers « contextuels » : 11. Islam et politique en Algérie avant 1962 : le rôle de l’islam dans le mouvement national ; 12. Islam et politique en Algérie depuis 1962 : l’instrumentalisation de l’islam par le pouvoir et l’émergence d’une opposition islamiste ; 13. L’organisation du système politique ; 14. Économie, prédation et État policier ; 15. Les instruments judiciaires de la répression ; 16. L’organisation des forces de répression ; 17. L’organisation des milices ; 18. L’organisation de l’impunité ; 19. Le mouvement islamiste algérien entre autonomie et manipulation.

Tous ces dossiers ont été remis quelques mois avant la session aux membres du tribunal (en même temps qu’une quarantaine de documents de références, représentant environ sept cents pages : textes officiels du gouvernement algérien, textes politiques algériens, rapports d’ONG de défense des droits humains sur l’Algérie, etc.). Les résumés de ces dossiers sont accessibles dès le 7 octobre 2004 sur le site Web du TPP Algérie, <www.algerie-tpp.org>, qui les publiera in extenso, ainsi que la sentence du tribunal, après la session.

Résumés des dossiers présentés au tribunal

Dossier n° 1 : La torture, une pratique systématique (Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum)

Dossier n° 2 : Les massacres en Algérie, 1992-2004 (Salima Mellah)

Dossier n° 3 : Les disparitions forcées (Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie)

Dossier n° 4 : Les détentions arbitraires (Yahia Assam)

Dossier n° 5 : Les exécutions extrajudiciaires (Vincent Genestet)

Dossier n° 6 : Les centres de torture et d’exécution (Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum)

Dossier n° 7 : Les violations de la liberté de la presse (François Gèze et Sahra Kettab)

Dossier n° 8 : Les violations des libertés syndicales (Sahra Kettab)

Dossier n° 9 : Les violations du droit d’association (Sahra Kettab)

Dossier n° 10 : Les violations des droits de l’homme par les groupes islamiques armés (Madjid Benchikh)

Dossier n° 11 : L’Islam dans le mouvement national algérien, avant l’Indépendance (Mohammed Harbi)

Dossier n° 12 : L’instrumentalisation de l’Islam par le pouvoir et l’émergence d’une opposition islamiste (Lahouari Addi)

Dossier n° 13 : L’organisation du système politique (Madjid Benchikh)

Dossier n° 14 : Économie, prédation et État policier (Omar Benderra et Ghazi Hidouci)

Dossier n° 15 : Les instruments juridiques de la répression (Yahia Assam)

Dossier n° 16 : L’organisation des forces de répression (François Gèze et Jeanne Kervyn)

Dossier n° 17 : L’organisation des milices (Salah-Eddine Sidhoum et Algeria-Watch)

Dossier n° 18 : L’organisation de l’impunité (Yahia Assam)

Dossier n° 19 : Le mouvement islamiste algérien entre autonomie et manipulation (Salima Mellah)

Annexes

Annexe 1.- La Déclaration universelle des droits des peuples, Alger, 4 juillet 1976

Annexe 1 bis.- Statut du Tribunal permanent des peuples, Bologne, 24 juin 1979

Annexe 2.- Les sessions du Tribunal permanent des peuples

Annexe 3.- Fiches signalétiques de trois sessions du TPP

Annexe 4: Liste des documents de références remis aux membres du tribunal

Présentation longue (pdf, 300kb)



Comité Justice pour l’Algérie, c/o Cedetim, 21 ter, rue Voltaire, 750011 Paris
Site Web : www.algerie-tpp.org. Adresse mail : info@algerie-tpp.org

 

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